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Rechercher : Point Ephémère

  • T.R.A.S.H., l'art de la chute

    Au festival Artdanthé, les soirs se suivent mais décidément ne se ressemblent pas. La surprise ce lundi soir vient des Pays-medium_pork_in_loop.jpgBas. Mais plus rien à voir avec Rubens cette fois.

    L'accompagnement live a beau être retenu et acoustique-clarinette basse et violoncelle- l'inspiration est violemment contemporaine. Frénétique même, paniquée, hystérique, énervée. On ressent, dés les premiers instants tendus, que l'énergie sera le maître mot. Sans pouvoir encore se douter jusqu'à quel degré.

    La toute première chute, par sa violence laisse incrédule. Les suivantes aussi- bruits mats du choc des corps contre le sol- et ceci jusqu'à la fin, jusqu'au rire admiratif et nerveux. Portant à medium_trash_1.jpgson point d'exaspération ce commentaire radical, ironique, furieux de l'insupportable quotidien- qu'il soit amoureux, social, médiatique. Mis en évidence par quelques dialogues grotesques- le temps de laisser les corps éprouvés reprendre souffle, après s'être entrechoqués, avoir été renversés, projetés en l'air, précipités contre les murs.

    Rien de désordonné ni de bâclé dans ce jeu de massacre: c'est un langage chorégraphique résolument moderne et cohérent qui s'impose au regard par fragment et ruptures. Qui paradoxalement inspire une impression de rigueur et d'austérité, au delà de sa dimension provocatrice. Toute la différence avec des artistes tel qu' Ann Liv Young, qui bien que s'inspirant de thématiques voisines, en restent- faute de travail?- à une plate imitation du crétinisme contemporain. Rigueurévidente de la part des 7 performeurs, qui d'évidence doivent faire preuve d'une discipline digne des arts du cirque pour accomplir sans risques les prouesses physiques imposées. Avec tant de désinvolture affichée.

    medium_trash2.jpgC'est d'autant plus dommage, que- faute d'une scénarisation assez nette ?- toute cette énergie semble un peu trop se disperser, sans laisser dans notre mémoire, une fois la tempête passée, toute la persistance qu'elle aurait mérité de laisser. Pour que l'on garde vraiment alors le souvenir d'une performance d'exception.

    C'était Pork-in-Loop de T.R.A.S.H. ---dans le cadre du festival Artdanthe, au Vanves Théatre. Où nos voeux de dimanche dernier dernier ont été exaucés; une main anonyme nous a réservé durant la nuit une petite place en 2 dimensions et 24H/24H, sur le mur du fond...

    Guy

    P.S. du 15/2:on a donc inséré deux très dynamiques images capturées par Jean Michel Coubart,on est invité à s'étonner avec leurs 71 voisines, sur son site www.coubart.fr/jmcoubart/ , partie  http://www.coubart.fr/jmcoubart/ardanthe.

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  • Les Printemps de Léveillé

    Extraites du répertoire de Daniel Léveillé, deux pièces jetaient hier soir un regard 20 ans en arrière. Mais deux pièces, qui, de notre point de vue qui n'est pas celui de l'historien, résonnent- comme Herses- plus actuelles que bien des nouveautés. Sauf à considérer qu'il faille du texte ou de la vidéo pour être moderne.

    Or pas même de musique au début du premier solo, Traces N°2. Une lumière simple et une femme- Louise Bédard- un vrai personnage bientôt. Embarrassée d'habits trop grands. Dans ce silence qui de plus en plus pèse, l'interprète exécute brusquement des spasmes comme nerveux. S'installe l'illusion que ces spasmes saisissent malgré lui le personnage ainsi créé. Brèves interruptions, mais pour laisser s'exprimer l'angoisse d'un regard à la dérive. Un visage décomposé. Cris. L'invention hachée et brute d'un nouveau vocabulaire gestuel, violemment inédit. Que Gilles de La Tourette aurait pu composer. Langage sans compromis, qui vient chercher quelque chose très loin dans le corps, pour nous l'imposer. Cela continue. Stupeur et tremblements. Gène, et toujours aucune musique pour l'atténuer.

    C'est une révélation poignante quand, une éternité de 10 minutes plus tard sautillent les premiers accords de guitare de "The girl from Ipanéma", qu'on a entendu mille fois, mais jamais comme cela. Louise Cavallier déambule alors gauchement, comme une danseuse de buto. "But she doesn't see....?" La phase répétée par Stan Getzsur le registre brumeux mais léger du sax ténor installe un contraste pathétique avec ce qui est vu. Mais le dérangement n'en est pas atténué, ni happy end ni rémission.

    On ne parvient pas, après ces émotions, à s'intéresser vraiment au Sacre du Printemps qui suit. Malgré Stravinsky (1882-1971), malgré les toutes les trouvailles, malgré l'énergie et l'excellence des quatre danseurs, rhabillés de la Pudeur des Icebergs. La majorité de l'audience semble pourtant acquise ou conquise, de la pré-ado à couette du premier rang aux mamies expansives derrière. Mais cette pièce va beaucoup moins loin que Traces. C'est simplement de la danse, et les pas sont toujours placés, impeccablement, SUR le tempo.

    C'étaient, de Daniel Léveillé, Traces N°II (1989) -♥-interprété par Louise Bédard, puis Le Sacre du Printemps (1982), interprété par Frédéric Boivin, Mathieu Campeau, Justin Gionet, Emmannuel Prouix. Une fois encore à Vanves Théatre, avec Artdanthé.

    Guy 

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  • Maria Donata d'urso: Lapsus ou répétition?

    Quand on a déja vu une fois Maria Donato D'Ursose fondre morceau par morceau sur/à travers une table truquée, faut-il retourner la voir tourner dans un anneau géant? Pour dire vrai on se disait in petto que non, ne nous y risquant finalement que sur la sollicitation amicale de JD. Moralité: alors que JD, d'avance convaincu, en ressort trés déçu, nous au départ réticent on en revient intéressé. A se mettre les jambes en haut, la tête en bas, puis au milieu et dans tous les sens possibles, elle a finit par tous deux nous retourner.

    Plaidoyer: oui d'accord il n'y a ni recit ni morale. Oui, on frise l'esthétique publicitaire. Oui on constate l'épuisement systématique des procédés. Oui d'accord sur tout, et alors? Il faut accepter de revenir à l'essentiel, écouter cette lente respiration qui nous dit: "arrêtez vous un instant, oubliez et regardez, oubliez que vous voyez un corps comme déja vu cent fois et laissez vous surprendre à voir d'autres choses". On repense aux impressionnistes, aux pointillistes, au cubistes, qui réinventaient la forme humaine et le nu. Ici nait un projet du regard au ralenti, à la fois voisin et à l'exact opposé du travail de Claudia Triozzi. Cette dernière jouait sur le plein, la surcharge et l'accumulation. Maria Donata d'Urso épure jusqu'au presque rien, la rencontre de formes qui se détachent en ombres sur le fond. Après les rondeurs de sa précédente Collection particulière posées sur un plan horizontal, ici des lignes brisées de corps qui naissent d'un point de départ foetal, s'élancent et se replient au sein de la rondeur faciale d'un cercle protecteur. D'une performance l'autre la stratégie visuelle se poursuit mais les effets sont loins de se répéter. Bien sûr, on somnole un peu- la bande son est spatiale et la vision floutée- puis on est réveillé par un éclair opportun ou, à coté de nous, par les manifestations d'impatience de JD. Mais une fois qu'on a renoncé à attendre quoi que ce soit, on accepte que des images apparaissent, contours dessinés par les membres, les replis, les chairs de cette femme nue. Les caractères mystérieux d'un alphabet féminin, les aiguilles d'une horloge organique à contresens du temps, les pinces d'un mollusque indolent, une respiration qui lourde s'impose et fait ressentir l'existence du dedans, une pupille palpitante de lumière au centre d'un oeil géant, un personnage au bord d'être emporté par la tempête, pour finir une femme qui médite perchée sur un croissant de lune. L'anneau est un portail vers d'autres dimensions, comme le savent tous les amateurs de fiction: quand la danseuse disparaît d'un coté, alors qu'elle réapparaît, c'est transformée...

    Tiens, c'est fini, déja ou enfin. Pour la prochaine performance, plutôt que pour le carré on pose un pari sur la sphère transparente et suspendue. Ou le ruban de Moebius.

    C'était Lapsus , par Maria Donata d'Urso, au CND de Montreuil, avec les Rencontres du 9-3

     Guy

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  • Moeno Wakamatsu: voyage aux enfers

    Comme chaque fois que Moeno Wakamatsudanse, c'est un chemin lancinant qui est tracé, accidenté, avec des suspens de douleur et d'épuisement, mais sans retour en arrière. Jusqu'au bout. Un voyage toujours, tragique mais jamais le même. Ce soir la cour de la "fondaction medium_Moeno_20BV.2.jpgBoris Vian", au delà des grandes portes-fenêtres, devenait la scène. Dans cette cour, mort peut-être déja, Orpheus gisait, chairs meurtries contre la pierre. Le voyage de ce soir était celui d'Orphée aux enfers, le retour d'Orphée sans doute, Eurydice perdue deux fois, Orphée rubans aux pieds, à l'extrémité une lourde pierre à traîner.

    Peut être la plus grande beauté de cette danse réside-t-elle là, dans un intense et impossible équilibre sur une seule main et sur la seule pointe d'un pied, un effort continu qui engage tout le corps, et l'âme. Ou dans une chute. La chair éprouvée contre le sol rugueux.

    Aprés un maitre - Masaki Iwana- pour invité la semaine d'avant, cette fois une novice (une élève ?): Noura Ferroudj. Elle résoud vite et trés radicalement l'épineux problème du costume de scène. Mais même encore habillée des "Z'ailes du désir"il lui reste toujours ces cordes-souvenir de rite Shinto ?- qui l'étranglent, elle comme nous comme vous et comme chacun, ces maudites cordes dont il faut prendre le temps un jour de se libérer.

    Pièce structurée en pyramide: ascension-paroxysme-descente, rien de ce coté qui ne surprenne. Et en effet c'est joli, ainsi que l'accompagnement boisé de clarinette, les amples mouvements qui s'offrent, les beaux effets de lumière rasante sur le corps presque allongé. Tout cela est joli, comme une rêverie étrange, même un peu acidulée, même parfois un peu agitée. Aux acres parfums du moyen-orient. Tout cela reste encore sans doute en deça des ambitions du projet. Rien n'apparait vraiment tragique, encore. Le corps est là, mais un corps ne laisse pas deviner cette tension qui recule les limites de la danse. Un corps nu mais qui semble plus serein qu'inquiet, qui se met en jeu entier, généreusement, mais sans oser le hors jeu. Mais il est vrai: on avait vu Moeno avant.

    Quoiqu'il en soit mercredi prochain Noura Ferroudj s'envole à nouveau- encore plus haut peut être- au même endroit -Boris Vian Cité Veron - un indice: c'est à coté du Moulin Rouge-, et avec bien sur Moeno, métamorphosée en Dryoped' Ovide à nouveau.

    Guy

  • Indigestion a l'Echangeur

    Hier soir menu varié à l’Echangeur, avec quatre danseurs, quatre soli.

    L' entrée en matière est pourtant un peu maigre avec les « Peaux » de Pedro Pauwels. Qui nous propose un régime très conceptuel et contemporain, impossible rébus sur une esthétique de déambulations/immobilisations et bâches plastiques.

    On est quand même séduit en seconde partie, par le tutu mélancolique et le projecteur à main, manié avec une pudeur qui laisse deviner une immense sensibilité, à fleur de peau justement. Le tout avec une remarquable économie de moyens.     

    En guise de plat de résistance, Erika Zueneli danse « Noon », pour évoquer Edward Hopper. La ressemblance est saisissante, dés le premier tableau. Mais il faut bien que la danseuse danse ensuite, et tant mieux, car ce point de départ n'a sans doute été que prétexte pour développer, sur une partition de Denis Chouillet, des variations plus personnelles. Où il est question de confrontation au social, de frénésie, de spasmes et de tensions, de désirs et de frustrations, de troubles émotions. Après divers dérèglements, on conclut par un nouveau tableau immobile, tout naturellement.

    Mais comme souvent, tout se gâte au dessert pour que l’on reste sur sa faim.

    D’abord huit minutes encore trop indigestes, à regarder Hélène Marquié larmoyer, et à subir en boucle la même chanson de Colette Magny. Le procédé est exaspérant: est-ce pour bien s’assurer que l’on comprenne? Où pour nous distraire de cette progression pathétique, ponctuée d’un triste dégagé de décolleté. Déjà le titre agaçait: « Vos lacunes font émerger nos rêves »Qui est le Vous ? Qui est le Nous? Peut-être nous-mêmes, hermétiques, et qui ne remercions pas l’Unesco, pour avoir commandé ce chef- d’œuvre. Qui a pour ambition d’évoquer les violences faites aux femmes, elles s’en sont sûrement trouvés réconfortées.

    Cela ecrit, comme on n'a pas été trés gentil, ceux qui voudront en juger par eux-même, pourront regarder ici.

    Quant à Yukiko Nakamura….On aurait du fuir dés la lecture du programme : « …Et encore au loin regarde une vue de mon dos. Elle regarde quelqu’un qui n’est plus là. Et moi non plus ».Hélas on est resté, à regarder, et elle aussi, au loin.

     Guy 

    P.S. Le programme continue ce w.e. avec changements de plats. Et entre autres Elena de Renzio, pour "Ah! Ah!", qu’on avait aimé une autre soirée cette année à Bertin Poirée.

  • 7 essais pour Nightshade

    On arrive bon dernier pour découvrir Nightshade. Cent fois déja découvert, tout à fait plus que nu, strip-teasé lignes après lignes. Considéré avec soit tout l'enthousiasme du Tadorne, soit avec tout le recul de JD. Embarras. Les polémiques sur-exposent l'objet, éclairé sous tous les angles et par toutes les problématiques. En vrac: ambiguïtés des rencontres entre chorégraphes et professionnels et leurs risques de pudibonderie et condescendance, difficulté de situer la chose ou pas du tout dans le champ artistique, pression sur le spectateur renvoyé à un statut de voyeur,  banalisation de l'érotisme, etc..., etc..., etc...., etc.... On en tellement lu qu'il nous semble déjà avoir tout vu. Donc, 10c4f83ebee6d899441aab17f58e00a3.jpgon aborde l'expérience elle-même un peu collet monté, bras croisés, comme resté au vestiaire, sans avoir pu se dépouiller de toutes les idées déjà faites. Et puis on se gèle à la Villette.

    Mais après vingt minutes et deux numéros, ce constat s'impose: il y a ici nul concept, tout juste un fil rouge. Comme dans les vieux films à steckches: il y avait Louis Malle, puis Vadim, puis Fellini. Ou Woody Allen, puis Scorsese. Donc ce soir à la suite, bien rangées, hermétiques, 7 performances, mis en scène par 7 chorégraphes contemporains-et à chacun son style-, interprétés par 7 professionnel(le)s du strip tease. 7 projets et 7 approches. Seul l'orchestre reste le même. Ne cherchons pas à distinguer un tout, ne regardons que les parties. Aucune loi générale à en tirer.

    Préalable- puisque qu'il y a un point commun quand même- qu'est ce que le strip-tease? Relisons Barthes et Verrièle. Et rappelons juste que le contrat entre artiste et spectateur consiste implicitement en une promesse dont chacun sait qu'elle ne sera pas tenue: la danseuse/le danseur prendra tout son temps-utilisera beaucoup d'artifices- pour retarder le moment, où elle/il ne montrera que peu, et très brièvement.

    Sept spectacles à raconter, c'est beaucoup.

    Envoyons se rhabiller Eric de Volder (trop brumeux), Johanne Saunier(trop leger), Wim Vandekeybus (trop confus)...

    Ca fait trois de moins, en reste quatre à déshabiller. On monte la lumière, on enlève son blouson, mais jusque là on a rien montré... demain promis!

    Guy

  • Othello, noir, blanc, lumières

    Sans Iago, Othello serait il quand même Othello? Sans les suggestions de Iago, se tourmenterait-il jusqu'au délire d'images de trahison? Deviendrait-il de lui même littéralement fou de jalousie, au point d'étrangler sa Desdémone? Suffit-il que Desdémone soit très femme et très sensuelle entre ses bras, pour que tôt ou tard il s'en effraye, jusqu'à la croire putain, forcement infidèle?

    8f7f9f783258f6e6d20fd77324f6a1b4.jpgC'est sans doute la question la plus importante posée par la pièce. La seule question, même. A chaque mise en scène sa propre réponse. Ce soir la réponse est claire: on ne voit que Iago, qui tire toutes les ficelles, et Othello mené par le bout du nez. Ce qui reporte l'attention sur les motivations de Iago. Envieux ordinaire, ou être démoniaque? On se focalise sur ce personnage, mais peut être par l'effet d'un déséquilibre palpable du jeu: Iago (Alexandre Mousset, qui était tout autant remarquable dans le costume du fou de la Nuit des Rois) est ici charmeur, nerveux et implacable, ouvrant un monde d'ambiguïté à chaque syllabe. Alors qu'il manque quelques années, ou quelques kilos, en tout cas encore de l'autorité à l'Othello de ce soir pour s'imposer solide et inquiétant, tel un tueur, tel un chef de guerre. Au moins est il crédible dans l'expression de la fragilité de la folie amoureuse: la scène du meutre ressemblera absolument à une scène d'amour. Partagée avec Karine Leleu (qui fût Pasiphae ici même), depuis le début charnelle, et innocente à la fois, jusqu'à la transparence. Ce duo s'est déjà épuré en une belle rencontre du noir et du blanc, à compter de l'instant où Othello, gagné par la folie et les ténèbres a abandonné son manteau. L'austérité de la scène du T.N.O., éclairée de quelques lumières est propice à d'aussi belles oppositions. 

    C'était Othello de William Shakespeare, mis en scène par Edith Garraud, au Théâtre du Nord Ouest. Dans le cadre de l'intégrale Shakespeare, jusqu'à fin février.

  • Le général et le particulier

    A voir trop souvent de la danse, surtout des courtes pièces, je me suis peut-être déshabitué du théâtre caractérisé. Soudain voilà John & Mary- 2 heures 30 ininterrompu, du texte dense, dru. Le choc est rude. Le texte de Pascal Rambert est très « écrit », éloigné de l’évidence musicale et légère du début de l’A , avec des allures d’exercice de style bizarroïde. Le projet est-il de refonder la forme d’un drame antique postmoderne? On retrouve de nombreux personnages aux relations entremêlées, des dilemmes et conflits, un chœur antique, des allusions aux rois et aux dieux. Le thème de l’amour reste classique, celui de ses relations avec l’argent plus moderne. De l’auteur on retrouve les procédés de répétition, et un mélange déconcertant de trivial et d’emphase. C’est tout sauf clair, mais mon attention s’aiguise plutôt que se lasser. Je crois en comprendre les raisons, mais plus tard. Ce qui m’a troublé dans ce vocabulaire, c’est l’indéfinition, l’espace en confusion entre général et particulier. Pas de noms propres, et des termes génériques : l’amour, le mari, le frère, la sœur, la femme, l’étranger, l’argent, l’événement, partir, rester… Même le titre ne ment pas. John & Mary peuvent être n’importe qui. Je n’en finis pas d’essayer de me repérer dans cette irréalité.

    pascal rambert,théatre de vanves,thomas bouvet

     

    Je comprends mieux maintenant la mise en scène, d'abord élégante avant que l’on sache qu’elle est intelligente. Une scénographie de larmes et d’eau: la surface liquide sur laquelle évoluent les acteurs, les miroirs en fond de scène brouillent les repères, du point particulier vers l’infini. Les costumes irréels semblent glacés et ténébreux, sans étoile et noir de bible. Les postures se figent en de pures figures, les acteurs dialoguent mais tous face à la scène, dans une géométrie glacée. Sans au début se toucher. Ils s’adressent les uns aux autres dans le texte, au monde entier dans le geste, comme par monologues alternés. Un personnage apparait en contraste, blanc comme un danseur de buto. Les mouvements sont progressivement autorisés entre eux, en une lente progression vers l’émotion, au millimètre. A cette sobriété en noir et blanc, le chœur à chaque acte fait diversion en couleur: deux filles aux formes juste voilées de bleu léger, narquoises et familières, cigarette au lèvres.  

    Et c’est surement réac d’avouer que cette élégance dans l’esthétique de la mise en scène me plait même avant que je n’y cherche une logique. Tant pis !

    C’était John & Mary de Pascal Rambert, m.e.s par Thomas Bouvet, encore quelques jours au Théâtre de Vanves.  

    photo avec l'aimable autorisation du Théatre de Vanves

  • Dix ans : ailleurs mais maintenant

    Dix ans c’est le temps de l’oubli, souvent. Des souvenirs épars, des rêves et du vent. Ce qu’il en reste, de 10 ans de danse à Mains d’œuvres ? Ca dépend... A chacun ses 10 ans. Pour ma part moins de dix: cela commence vers fin 2006, devant Perrine Valli.  Aussitôt étonné par cette sage- ou pas si sage- géométrie. Une première leçon de patience.  Ou encore: cela prend feu l’hiver auparavant, alors je n’avais pas encore cédé à l’utopie d’écrire (pour essayer d’un peu moins oublier). Avec Kataline Patkaï-, Appropriate clothing... Il faut imaginer la violence du choc pour quelqu’un de peu préparé à ce que se permet la danse contemporaine: c'est-à-dire à peu prêt tout.  Et ici à ce point de vue si détaché, d’une lenteur clinique, sur les gestes de l’érotisme. Tout est donc possible: je reviens…

    Rarement déçu par la suite- un puzzle de sensations- et toujours étonné. 10 ans ne font pas un bloc, un récit ou fil, mais une addition de tous ces moments, de ces libertés, de ces dons d’artistes qui échappent à mes attentes. Les robots de Geisha Fontaine et Pierre Cottreau qui fondent  un nouvel ordre, ou désordre, inquiétant en noir et blanc. Le délire baroque de Jesus Sevari. Les fleurs et la fraicheur de Marie-Jo Faggianelli.  L’absolue étrangeté de Sofia Fitas, son corps recombiné. La drôlerie grinçante d’Isabelle Esposito. La gravité d’Olivier Renouf. Le magnétisme de Maxence Rey. Le trouble de Camille Mutel. L’ironie de Leila Gaudin…

    Je crois que ce que l’on trouve ici, à Mains d’œuvres, c’est le temps. 10 ans, font bien plus.  Pour les artistes le temps de créer. Un temps essentiel, élastique, dilué, muri, perdu, en extension, accéléré…  Je pense à Éléonore Didier qui transporte dans ses pièces même toute la substance de ce temps que ne peuvent mesurer les chronomètres, qui dissout d’audaces nos impatiences.  Car pour le spectateur c’est un temps d’ailleurs: j’ai l’impression inexplicable d’être à Mains d’œuvres loin de tout et du reste, en dehors et libéré, dans ce lieu familier, brut de béton, moins intimidant qu’un espace de représentation.  Pas prêt d’être rattrapé par quoique ce soit, à pouvoir n’y rien faire d’obligé pendant des heures. Avec le temps de rencontrer et d’échanger : des écrits croisés avec Jerome Delatour, Pascal Bely…  Angela Conquet m’invite dans son cercle des regards, pour discuter avec les chorégraphes en amont. Je ne sais ce qu’ils en font… pour ma part j’apprends alors encore à regarder, yeux ouverts tout accepter, et gouter à la drôlerie des incompréhensions et des appropriations (la liberté).

    10 ans. Qu’en reste-t-il ? Le courage de laisser les souvenirs s’envoler comme des tourbillons de feuilles mortes. Surtout la confiance, l’envie, le désir, d’y revenir, d’y découvrir. 10 ans de plus.

    Guy Degeorges- contribution pour 10 ans de danse à Mains d'Oeuvres

  • Censure locale: lettre ouverte de Pierre-Jérôme Adjedj au maire de Saint Germain en Laye

    Monsieur le Maire,

    j'ai appris aujourd'hui avec émotion que vous étiez intervenu pour demander l'annulation d'une représentation de la compagnie Chicos Mambo, au seul motif que le contenu vous a choqué / déplu / incommodé (rayer la mention inutile s'il y en a, et compléter si besoin). 

    Je me permets de vous dire qu'une telle attitude relève pour le moins de l'ingérence dans le travail de l'équipe du Théâtre de Saint-Germain, et un désaveu sur ses choix. Je dois cependant admettre que de telles situations sont loin d'être rares; partout en France, des salles municipales aux réseaux nationaux, du nord au sud et de l'est à l'ouest, ce triste spectacle se reproduit. J'y vois trois raisons principales, symptomatiques d'une déviance quant à la façon de positionner la culture :
    • Trop souvent, le payeur (vous) se sent le droit de vie ou de mort sur les choix artistiques (qui relèvent de l'équipe que vous mandatez)
    • Trop souvent aussi, la culture n'est utilisée par les élus que comme un mieux-disant à visée électoraliste, ce qui entraine un alignement des choix artistiques sur "ce qui plaît".
    • Trop souvent enfin, le payeur (vous toujours) peut finir par confondre son goût particulier avec le goût général.

    Or, le rôle d'une institution culturelle est justement de proposer au public ce qu'il ne sait pas encore qu'il aime; c'est à cette seule condition qu'on peut sortir de cette logique de consommation qui finit par gangréner le spectacle vivant et l'aligner sur la télévision et le cinéma commercial.

    Je n'ai aucun conseil à vous donner, mais de mon point de vue, vous avez tout à gagner à laisser entrer dans votre ville la surprise, l'inattendu, le déroutant, le choquant pourquoi pas... C'est comme un bon froid sec : ça fouette le sang et ça aide à se sentir vivant, ça pousse à parler à l'autre, à le renconrer au lieu de le côtoyer seulement dans la promiscuité en velours de la salle de théâtre. Cette vie dans la cité n'a pas de prix, elle stimule la capacité à inventer l'avenir !

    A l'inverse, si votre objectif est de laisser vos administrés se confire dans le conformisme des idées reçues, alors ne dépensez plus un euro dans la culture, c'est de l'argent gâché ! Le conformisme, nous y glissons toutes et tous sans même nous en apercevoir si rien ne vient nous réveiller. Supprimez le budget culture, les élus chargés de la voirie et des bacs à fleurs vous béniront, ainsi qu'une grande partie de vos administrés.

    Comptant sur votre bon sens et votre sens des responsabilités, je vous prie d'agréer, monsieur le Maire, l'expression de ma considération distingué...

    Pierre-Jérôme Adjedj, 
    Auteur / Metteur en scène