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Un Soir Ou Un Autre - Page 49

  • Encore Eleonore

    Vivre et laissez venir... La danse, en occurrence. Donc, lorsqu'elle veut, quelle importance? 

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    On se soucie peu de l'heure. Maintenant ou hier, plus tard peut-être, Eléonore dedans, un instant à la fenêtre, mais tout dehors s'attarde le printemps, taquiné par un vent frais, savouré par une poignée de rescapés urbains. En école buissonnière dans le vert des allées de la Cartoucherie. Les nuages eux aussi attendent paresseux, et l'on entre, la danseuse allongée. Depuis longtemps? En solo, elle prend son temps. Plutôt d'une station à une autre que dans un mouvement. On la croirait à la recherche de la bonne position pour s'y figer. Toujours en recherche, tout simplement. S'y consacrant avec une telle concentration, que c'est sans doute cela qui détermine que nous sommes confrontés à une représentation. Le temps, qui se mesure par l'évênement, ne se mesure plus. Silence. Ni son, ni musique: on entendrait une mouche voler. Pas de rideaux aux fenêtres, la lumière peut s'inviter. Souvenirs: c'est la pièce qui a bougé, depuis la création. Des forces se sont équilibrées différement. De bandes de tissus l'espace s'est structuré au sol, en échos des barreaux verticaux. D'où viennent ces choses qui se sont mises en place depuis un an? Pour le moment: culotte noire, culotte blanche, nonchalance, pensées informulées. Dans la densité, des postures considérées. N'empêche: sous ce relâchement apparent, on perçoit des tensions bien moins innocentes, des arêtes, des apretés. Des sensations émergent, des idées vagues, pas trés loin d'être matérialisées. Mais qui ne semblent pas destinées à être explicitées, suspendues en chemin. On a des hypothèses, mais ne serait -il pas indiscret de les formuler? Dans ce silence, on s'entendrait penser. Et on se ferait entendre. Chacun pour soit garde son histoire, et maintenant on entend une mouche voler, vraiment. Quelques rumeurs du dehors, et une respiration, devant. S'il y avait un consensus, ce serait pour constater qu'il s'agit d'un duo avec l'escabeau. La plasticité de la chair, matière complaisante, confrontée à la rigidité géométrique du métal argenté. En commun, leur gravité. En alliance, sur le torse et le ventre de la danseuse: des bandes brillantes. Dans la lenteur ambiante, les brusques acélérations et décharges sont d'autant plus saissantes, et les inerties qui suivent d'une grande honneteté, soulignées de rares regards. La danse est là ausi informulée et floue que l'existence.

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    A un moment, c'est fini. On échange. Si nul ne parvient à en fin de compte vraiment raconter ce qu'il a vu, des spectateurs demandent à la chorégraphe de leur donner quelques clés . En vain. Eléonore Didier entend laisser à chacun sa liberté de recevoir et d'interpréter, mais livre quelques unes de ses inspirations. Elle confirme que l'échelle a quelque chose de viril, confie aussi la présence de fantasmes sexuels derrière cette danse. Sur ce terrain, personne ne lui demande d'explications plus détaillées. Il ressort de la discussion que LaiSSeRVenIR serait achevé... mais encore suceptible de bouger, de lui-même, de dedans. Ce processus de création parait aussi long qu'une psychanalyse. Avec beaucoup de patience,  de determination, il faut du temps pour exister comme l'on veut.

    C'était laiSSeRVenIR, présenté aux Ateliers de Paris- Carolyn Carlson.

    Guy

    A lire avant: Paris Possible, Solides Lisboa, laiSSeRVenIR à Mains d'Oeuvres....

    photos de Gael Cornier avec l'aimable autorisation d'Eléonore Didier

     

  • Enfer et Damnation

    Trop c'est trop! 

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    C'est irréprochable pourtant à tous les niveaux, mais qui se superposent jusqu'à complête saturation. Mon premier est le sujet, tout sauf leger: l'Homme et Dieu, la mort, la damnation. Mon second est le texte de Goethe, dense et métaphysique, roboratif, intimidant, jamais apprivoisé. Mon troisième est un phrasé lituanien, tout en éclats et grondements. Mon quatrième est un sur titrage à attraper des torticolli. Mon cinquième est une gestuelle en rebus, surprenante et symbolique, déphasée du texte, quasi chorégraphique. Mon sixième est un décor eisenteinien, noir et ocre, funêbre et géométrique, Mon septième est une musique ommiprésente, lancinante et mélodramatique, qui ne ménage pas un instant de repos. Mon huitième accessoire tombe à grand fracas du plafond, pas dans la discrétion. Mon neuvième est le temps suspendu, 4 heures d'un entracte à l'autre, sur scène représenté obsessionnellement: un verre qui se vide et la vie qui s'enfuit. 

    Mon tout est un monstre de somptuosité et d'ennui. Pris au piège du risque de l'esthétique?

    Guy

    C'était Faust d’après JOHANN WOLFGANG VON GOETHE, mise en scène EIMUNTAS NEKROSIUS, à L'Odéon.

    photo par Ormitrii Matvejev avec l'aimable autorisation du théatre de l'Odéon

     

  • Olimpia, Stupre et fureur à l'Hotel de Ville

    Sous les dorures assoupies, dans une semi-obscurité empoussièrée, une voix gronde pour réveiller l'histoire en éructant. Cette histoire là a une odeur entétante de foutre et de sang, de pourriture et de politique. Le texte, par ce corps jeté en avant, projette les images, devient ville, devient monde grouillant. La voix rauque fait fusionner d'un "je" dans son souffle furieux trois identités: celle de l'auteur- Céline Minard-, de la comédienne- Nathalie Richard-, et du personnage- Olimpia Maidalchini ; la "papesse", âme dammée d'Innocent X. Alors que la dépouille de ce pape pourrit, Olimpia, ivre d'or et pouvoir, vomit ses torrents d'imprécations, jette sur Rome qui la rejette ses furieux blasphèmes et malédictions. En un flux outré, cru et continu, aux couleurs pourpres des robes de cardinaux, des tissus déchirés, des chairs et âmes corrompus, du vin répandu. Avant d'être balayée par le temps et damnée par l'histoire pour avoir été femme, et femme de pouvoir.

    Nous restons interdits devant ces mystères du vatican, sous les fresques et boiseries d'un de ces décors où aujourd'hui le pouvoir met en scène son apparat et police ses apparences....

    C'était Olimpia de Céline Minard, lu par Nathalie Richard, dans la salle du Conseil de Paris, dans le cadre de Paris en toutes lettres.

    Guy

  • Feydeau, panique

    Trop crevante la Môme Crevette, et toujours increvable le Feydeau, encore aujourd'hui à la rescousse des billetteries. Bien plus fort que la recession, valeur refuge dans l'économie de la scène. Pour paradoxalement y représenter paroxysmes, crises, et déreglements. Comme par catharsis? Ici le trou noir né d'une soirée trop arrosée dans la vie paisible du bourgeois Petypon, susceptible par inflation d'emporter l'univers entier.

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    Dans le lit de Petypon le lendemain matin de migraine la môme crevette- danseuse au moulin rouge- matérialisation de désirs refoulés ou témoignage invavouable d'une autre vie qui aurait du rester cachée. Le bordel fait irruption au foyer...rien ne va plus. Sous les quiproquos c'est la réalité qui pans aprés pans s'altère. Les voiles qui font le décor se retournent pour ne plus rien cacher, les portes suspendues à de fragiles conventions s'envolent et les limites n'en finissent plus de s'effacer. Rien ne tient en place. Difficille de contenir chacun dans son espace réservé: la domestique à l'office, La môme dans le lit, les visiteurs au salon, le vieil oncle en Afrique... Petypon aux abois tente de gagner quelques minutes en pétrifiant les protagonistes sur un fauteuil extatique reduit à sa plus simple expression. Peine perdue: on ne ralenti pas l'entropie. Le langage n'arrange rien, embrouille: "les parôles ne signifient rien, c'est l'intonation qui fait le sens". La Môme Crévette-d'un naturel inaltérable- fait irruption dans ce monde bien reglé comme un élement perturbant que chacun choisit de voir comme il l'entend: ange venu du ciel, bonne nièce, femme honnête, élégante parisienne ou putain... Son langage leste et ses gestes osés donnent le la aux rombières de province, qui avalent tout et de concert remuent de la croupe et des seins par mimétisme parisien. Ou écoutent religieusement cinquante manières imagées de dire comment on se fait plaisir. C'est alors le paroxysme, tout cul par dessus tête, durant cette fête de sous-prefecture soudain onirique, où notables, dames, militaires et curé dansent en arrière fond une bacchanalle libératrice. Sydavier pousse cet exercice de metaboulevard jusqu'à ses limites, drôle et distancié à la fois. Le désordre est parfait, les comédiens "épatants" investissent dans le désordre et jusque dans la salle le cadre si précieux et surchargé de l'Odéon. Entre deux spectateurs, comme par contagion, une breve altercation. Aprés l'orgie, le dernier acte prend des allures de gueule de bois. Pas de salut possible sinon par une résolution bien factice, jusqu'au bout Mr Petypon aussi secoué que l'intrigue, Mme Petypon aveugle et pathétique, réfugiée dans la religion. Pas de fin possible, ni de retablissement de l'ordre sauf dans l'épuisement. 

    C'était La Dame de chez Maxim de GEORGES FEYDEAU
    mise en scène JEAN-FRANCOIS SIVADIER, collaboration artistique : Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit, Nadia Vonderheyden
    scénographie : Daniel Jeanneteau, Jean-François Sivadier, Christian Tirole, lumière : Philippe Berthomé assisté de Jean-Jacques Beaudouin, costumes : Virginie Gervaise, décor : Amélia Holland, maquillage, perruques : Arnaud Ventura, son : Cédric Alaïs, Jean-Louis Imbert, chant : Pierre-Michel Sivadier, travail sensible : Vincent Rouche et Anne , assistante à la mise en scène : Véronique Timsit, régisseur général : Dominique Brillault, avec Nicolas Bouchaud, Cécile Bouillot, Stephen Butel, Raoul Fernandez, Corinne Fischer, Norah Krief, Nicolas Lê Quang, Catherine Morlot, Gilles Privat, Anne de Queiroz, Nadia Vonderheyden, Rachid Zanouda et Jean-Jacques Beaudouin, Christian Tirole.

    A l'Odéon, jusqu'au 25 juin.

    Guy

    Photo par Brigitte Enguérand avec l'aimable autorisation du théatre de l'Odéon

    Prochain Feydeau: Le Didon à L'étoile du nord! 

  • Faggianelli au delà des fleurs

    On accepte le risque de se laisser apaiser. L'invisible est ici le projet, et la présence un signe. Fragile, subtil. On entend le tissu qui respire, crisse, la robe noire qui se soulève. Le torse se courbe et se tend, mû d'en dedans. Porté.

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    Elle tremble, au bord d'une transe. Se devine aussi éphémère que les fleurs coupées. En un instant de crépuscule, l'immobilité. Une, deux... Ce duo ressemble un écho, on apperçoit des allers retours entre les avants et les aprés de ces deux personnages féminins. On ne voit pas, on devine. Les correspondances naissent. Des évocations justes esquissées, des souvenirs sereins, jamais mièvres. Diane bande son arc, une nymphe rève, se transforme en une danseuse espagnole. Des arrêts, des disparations laissent tout en suspend, chaque histoire s'évanouit avant d'être, comme le frôlement d'une invisible ligne, et l'abandon de tout regret. Les fleurs se répandent, les courses coulent et se troublent dans une mer de pétales. Plâne le parfum d'un deuil tranquille, une danse qui ne durerait qu'un été. Le calme prend de l'ampleur, de la densité, le temps s'entend. Leger, on se tait.

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    C'était Récits dispersés de Marie-Jo Faggianelli, avec Marie-Jo Faggianelli et Wen-hsuan Chen.

    A Mains d'Oeuvres, ce soir et demain.

    Guy

    A lire: Images de danse

    Photo 1 de Mohamed Khalfi avec l'aimable autorisation de Mains d'Oeuvres

    Photo 2 Jérome Delatour- Images de danse

  • Benny Golson whispers

    Ce murmure là de saxophone, d'une virilité contenue, d'une volubilité tranquille, c'était- il y a 20 ans- d'une terrible efficacité pour titiller de vibrations troublantes le sexe opposé, pied au plancher, fenêtres ouvertes et volume poussé haut sur le radio cassette. Cette musique là était assez originale pour faire intellectuelle, alors assez vieille de déja 30 ans de plus pour être parée de la qualité mystérieuse des choses historiques, assez entendue pourtant pour permettre à chacun de se raccrocher à quelque chose de vaguement familier (Car ce Blues March  avait servi pendant une éternité de générique sur Europe 1 à l'émission de Fillipachi et Tenot). Quelques kilomètres ensuite, pour se faire pardonner les assauts à la hussarde des baguettes d'Art Blakey, on envoûtait sur l'autre face avec Whisper Not, un sourire esquissé, une caresse, un baiser. 

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    Ce soir Benny Golson ressouffle Whisper not, en notes sinueuses et colorées. La mélodie se laisser couler tout en médium, sans jamais que le musicien ne force, avec tout au plus quelque grognements graves et jamais d'échappées aigues. Si l'on craint que le tenor ait avec l'âge perdu un peu de coffre, on peut réécouter les vieux enregistrements: la puissance, surtout la manière sont les mêmes qu'à la fin des années cinquante. Le style depuis épuré de quelques échauffements rythm' blues, qui avec le recul apparaissent comme des facilités de l'époque hard bop. Sax posé, Golson raconte le triste jour de 1957, partagé avec Dizzy Gillespie à l'Appollo, de la disparition d'un musicien à l'âge de 26 ans, et offre son hommage au trompettiste: "I remember Clifford". Les années ont vécues mais Benny Golson a le temps, seulement 80 ans, et plus du tout besoin d'épater. Au saxophone il continue à dialoguer avec les ombres, et les notes s'évadent du passé. L'invocation de fantômes aux noms illustres fait partie ce soir de la visite. Mais aucun de ces hommages n'est gratuit, chacun le pendant d'un thème musical hanté de souvenirs mélancoliques, colorés. Tel Stablemates une de ses première compositions, que, raconte-t-il, son ami Coltrane fit enregistrer par Miles Davis. Les ballades sont vives, jamais mievres, piquantes et subtiles. Les phrases de Golson flottent, véloces mais détachées, en un sens modestes. Le leader délégue tout le panache à la trompette, avec le soin de faire briller les notes haut comme il faut, l'explicite du tempo à la section rythmique franco-américaine, attentive et respectueuse: piano discret, contrebasse veloutée, cymbales ouatées.

    S'émerveillent ce soir au Duc des Lombards quelques dizaines de rescapés, d'amoureux de l'inactualité, qui imaginent ou se souviennent delicieusement d'un temps libre et insouciant, quelques mois avant l'arrivée fracassante du free jazz, de Coleman, de Dolphy pour qu'ensuite tout change à jamais. D'un temps où cette musique ne se posait pas encore la question d'être ou non militante. D'un temps tout simplement où cette musique était écoutée. De moments inutiles et sublimes, pour un soir recréés. Durant lesquels on se sent tout à fait bien, surtout si on est deux.

    C'était Benny GOLSON (ts), Pierre-Yves SORIN (b), Alain JEAN-MARIE (p), François BIENSAN (tp), John BETSCH (dms), au Duc des Lombards.

    Guy

    Photo de Benny Golson (D.R.) avec l'aimable autorisation du Duc des Lombards.

  • Maki Watanabe - 2

     

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    Improvisations de Maki Wanatabe, le 18 mai 2009, saisies sur le vif par Pierre Estable ( crayon de couleur sur papier, 29 cm / 21 cm )

    Maki Watanabe danse le 12 juin au Regard du Cygne.
  • Juste un E-mail à Y.N.G.

    Cher Yves-Noël Genod...

    (Car par où commencer pour raconter le spectacle « Yves-Noël Genod » proposé à Chaillot ? Alors on tâtonne en s'adressant à « Yves-Noël Genod » le metteur en scène).... Donc vous êtes le metteur en scène, mais aussi l'hôte qui tous nous accueille en souriant, coiffure en côte de mailles et bottes emplumées, très content de sa plaisanterie, et vous êtes spectateur aussi, qui s'assoit au premier rang, à égalité avec nous, réjoui de ce que font les interprètes. Une chose au moins est évidente, ces interprètes font sous votre regard ce qu'ailleurs ils ne feraient pas, ou rarement. Est ce pour cela que Kataline Patkai tenait tant, et depuis si longtemps, à travailler avec vous?

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    De même l'expérience de spectateur est avec vous tout spécialement singulière. Vous nous laissez du champ. Votre Hamlet  m'avait excédé une fois pour toute... me laissant libre de m'ouvrir à tout ce qui pourrait suivre. De là à comprendre le comment, le pourquoi... Au moins on se risque à deviner que vous avez travaillé comme certains chorégraphes, exploitant la matière apportée par les interprètes pour la ré agencer en un flux. Pour le reste... Je lis, relis votre blog, votre quotidienne autofiction, mais pour constater que plus vous dévoilez en chair et en verbe, et plus tout cela s'embrouille finalement, comme vu à travers la fumée qui envahit « Yves Noël Genod » (la pièce !). Dans cette pièce, vous faites un peu défaut. Tout juste présent dans le titre, et même plus commentateur détaché comme pour les « Cochons ».  J'avais vu le Feydeau de Sivadier à l'Odéon la veille, et il m'a semblé ce lendemain que votre spectacle commençait là où le Feydeau s'était achevé, la mécanique théâtrale désormais déréglée, tout par terre. Il y a eu un déluge et des morceaux reviennent à la surface. Des visions, des souvenirs, des idées. Par milliers. Dont du Baudelaire, une chanson populaire, un sexe, un dictateur...mais énumérer, ce serait tromper, ou pire, ennuyer. C'est cela: on voit ce qui émerge. Ces acteurs sont comme des naufragés sur la plage entourés de débris (culturels). Libres et nus- plus ou moins- pour jouer une certaine vérité....En tout cas libérés du social et du sacro saint sujet. Dans un lieu à la fois vrai et caché, de béton rugueux et canalisations apparentes, dans l'envers des escaliers du Trocadéro...Puis à la lumière, à la bande son, à la connivence joyeuse d'une pluie de neige factice, à la vue de tous ces artifices complices on comprend que la probable impréparation initiale a accouché d'une grande précision! Je suppose que comme tout un chacun vous avez horreur des comparaisons, mais on pense aussi à la démarche de Rabeux avec son Corps Furieux: peu de mots et le regard tout prés du corps, d'un corps pas forcement glorieux. Mais peut-être l'important n'est il pas ce que vous montrez, mais ce que cela fait de nous...légers ? C'est que l'on se sent très à l'aise, pour juste saisir ce qui est donné- doux, cru et tendre- et même libéré de l'obsession de tout interpréter... . C'est donc irracontable, comme je disais au début, et tant pis. Pendant ce temps l'on renonce même au temps, prêt à accepter les attentes, la fumée et le silence, que tout cela reste éphémère, qu'aprés l'on puisse bientôt même l'oublier, et apprendre à accepter la mort peut-être. En attendant continuez !

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    @ bientôt

    Guy

    C'était Yves Noël Genod, d'Yves Noël Genod, avec Mohand Azzoug, Kate Moran, Yvonnick Muller, Felix M. Ott, Marlène Saldana, installation lumière Sylvie Mélis, installation son Erik Billabert, musique originale et interprétation au piano Pierre Courcelle à Chaillot jusqu'au 6 juin.

    P.S: Cela n'expliquera rien de plus à mes lecteurs, mais puis-je utiliser quelques photos de votre blog?

    photos de Patrick Berger avec l'aimable autorisation d'Y.N.G.

    Lire aussi Télérama, le magazine, tadorne 1 et 2

  • Geisha Fontaine et Pierre Cottreau: la mécanique en pieces

    Pas de vivant mais du nouveau... C'est à dire des objets, des robots. L'obscurité a pris son temps, la musique bourdonne et ondule, l'espace se structure peu à peu de petites mécaniques en mouvements, qui chacunes dessinent leur chemin, indifférentes. Leurs formes sont élémentaires, épurées, apaisantes.

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    L'intéressant c'est que ces robots ne ressemblent pas à des robots. Pas futuristes du tout et dégagés d'ambitions anthropomorphiques, ce qui permet de nous garder de tout effet "Wall-E". Pour la raison inverse, on avait pas réussi à vraiment nous intéresser malgré toutes ses qualités à Matière d'être- l'autre pièce présentée la même soirée, qui confrontait un homme et un robot plus élaboré. Ces objets ci n'ont pas de fonctions visibles. Ils ne renvoient à rien d'évident, leurs trajectoires ne font pas des histoires. On peut éventuellement leur faire endosser des caractéristiques- beaux, ludiques, plastiques -, mais de là à leur prêter des personnalités.... En tout cas ils sont là et de plus en plus. Ils ne dansent pas, ils bougent. Maintenant ils sont l'environnement, tout entier à déchiffrer, éventuelle métaphore d'un monde moderne et mécanique. Que faisons nous de cette vision? Tout de même, l'humanité est rentrée par la petite porte. Les deux danseurs cherchent quant à eux leur place dans cette forêt de symboles. Ainsi faisons nous, nous aussi. Comme lors de la visite d'un musée en mouvement. On pense irrésistiblement aux hommes préhistoriques confrontés au monolithe de « 2001 l'Odyssée de l'espace ». Avec les mécaniques autour d'eux les deux hommes cherchent équilibre et harmonie, se livrent ensemble à d'étranges cérémonies. Les objets se multiplient, ronds, carrés, grand, petits, toujours noirs et blancs, simples et jamais menaçants. Libres de nos trop pesantes émotions et vulgarités. Ils sont drôles pourtant, tel cet engin aux érections épisodiques (on se libère jamais de la tentation anthropomorphique...). L'envahissement géométrique se parfait, jusqu'à la saturation, pour un ballet final avec lâchers de ballons, d'une frénésie silencieuse et impassible. Peut-être pensent-ils, donc nous bougeons, psychologie oubliée au profit de la dynamique. La pièce aurait -elle pu être juste avec eux, sans les vrais danseurs et leur médiation? L'épreuve est réussie: nous avons symboliquement survécu à cette mécanisation, l'avons acceptée. Le spectacle reste vivant.

    C'était Une Pièce Mécanique de Geisha Fontaine et Pierre Cottreau, à Mains d'Oeuvres, dans le cadre d'une soirée partagée avec L'étoile du nord pour Avis de turbulences. Cette année le festival des nouveaux mythes: essentiels, rituels, mécaniques ?

    Guy

    Lire Rosita Boisseau dans Le Monde

    photo par Pierre Cottreau, avec l'aimable autorisation de Mains d'Oeuvres

  • Kataline sous le regard du Cygne

    Une histoire de femmes, essentiellement? Avec Kataline, Isabelle, Viviana,  Julie, Beatriz, Anna, Camille- Lucile, Gemma, Aude, Paloma, Lisa, Katia, Erika et les autres... Au fil des numéros de ce Cabaret des Signes signé Kataline Patkaï s'exprime la féminité, et à la quasi unanimité. C'est à noter, même s'agissant d'un domaine d'expression artistique où artistes et publics penchent majoritairement de ce coté. Unique exception de la soirée: un quart d'heure d'Ugo Dehaes mais qui symptomatiquement danse sa performance- Forces Leech- en rampant, littéralement piétiné, sa partenaire sur lui debout perchée: woman on top.

    Donc du début à la fin, la féminité se donne à voir en recherche, à commencer par l'adaptation d'un texte de Marguerite Duras. Forcement. Ses mots d'écrivain se démultiplient en 6 danseuses, 6 fausses sœurs: brunes, blondes, de toutes décades, physiques et  horizons. Duras, le texte, la danse.... D'emblée une question s'impose, sans trouver tout de suite de réponse: dans cette rencontre- ou dans cette introspection- comment un regard de la minorité masculine peut-il s'insinuer, s'installer? Forcement déplacé, comme un chien dans un jeu de filles? Revient le souvenir d'une brève visite lors d'un filage deux trois jours avant, dominé par la sensation de se retrouver par mégarde dans le vestiaire des dames. Presque autant que cet inconnu absolu, ce mâle étranger, qui, la même soirée, surgit en pleine répétition de ces sœurs en tenues de bain, profitant d'une porte mal fermée?

    Kataline dit: j'ai voulu adapter le texte de Duras, parce que c'est un auteur (Elle ne dit pas « auteure », d'ailleurs) qui a m'a marquée, comme il a marqué beaucoup de femmes. Même si des hommes tels que vous peuvent lire Duras, bien sur- s'excuse-t-elle opportunément (c'est une conversation qui a lieu quelques semaines avant, avec deux hommes justement : Jérôme et moi-même). Elle poursuit: Duras fait résonner en nous quelque chose de très violent, très sexuel. L'adapter c'est le moyen pour moi de travailler des thèmes qui me correspondent. Le désir selon toutes ses déclinaisons, l'engagement absolu, mais vers quelque chose que l'on ne peut jamais atteindre....

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    Sisters, d'après Marguerite D., ce soir on y est. Plutôt on y revient, pour un long extrait, après sa création plutôt précipitée lors du printemps dernier aux RCISSD.

    Je me relis....

    De ces notes d'alors, rien à retrancher: elles prenaient acte des thèmes déjà développés, ces thèmes ne se sont pas perdus en route. Depuis c'est le rythme qui a changé, s'est approfondi. Il y a plus de rondeur autour d'une violence toujours contenue. Avec les présences stabilisantes de nouvelles interprètes, telle Jesus Sevari. La créature monstrueuse, ambiguë, en construction ici- 6 corps fusionnés en une troublante chenille- respire mieux, les voix mieux ajustées. L'âpreté est intacte, mais les regards ont gagné en abandon, dans la chaleur du bois et de la pierre du studio du Regard du Cygne. Tout semble question de féminité, tout parait aussi autoportrait. Est-ce ici Kataline en maillots de bains? Un seul corps multiple et glissant, membres imbriqués et rapports, dans la lenteur pensante des étés de canicule, sous le soleil exactement. Le récit textuel et visuel renvoie à l'adolescence, à la naissance de la sexualité, à un suspend sensuel intense et en fuite. Comme à la recherche d'un instant particulier, on devine alors la chorégraphe plus attachée à la force des images- quasi arrêtées- qu'à celle des mouvements.

    Sur scène Kataline, toujours à la voix douce, trop douce, parvient pourtant à faire entendre les mots de Duras. Mais de dos. Six bouches s'ouvrent pour les reprendre, les répéter. Texte et gestes s'articulent, mais de ce texte l'homme est absent. Forcement? Ou est-ce plus compliqué? Kataline dit, en privé: quand j'ai commencé à chorégraphier, j'ai créé un solo pour un garçon, mais c'est peut-être de la femme dont dés l'origine j'avais envie de parler...Car après il y a eu un duo homme/femme (qui s'appelait X-XY', tiens, tiens...)- , puis un trio avec deux femmes et un homme (Appropriate Clothing Must Be Worn), et pour finir Sister qui est une pièce pour six filles... Elle dit: entre temps j'ai fait Rock Identity : un solo en trois parties qui s'inspire de figures du rock masculin. Des figures qui ne sont pas si mâles que cela: Morrison est très androgyne, Kurt Cobain aussi, Bernard Cantat l'est franchement moins... mais j'interprète ce dernier en talons aiguilles.

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    C'est un angle d'attaque pour regarder Sisters... Lors de Rock Identity, Kataline, 100% femme et seins dehors parvenait à être homme, à être Jim Morrison. Est de même suggérée une part mâle cachée dans cette Duras dansé, cette femme surprise dans un moment flou de son identité, dispersée en doubles inquiétants, ses vêtements arrachés de l'une à l'autre, les corps de chacune traînés par les cheveux jusqu'à la conclusion: cette orgie de chairs rêvées, une exploration et une initiation, scène éminemment onirique et masturbante, dominée par l'absence du partenaire amoureux...On attend la suite.

    La thématique ainsi bien posée avec Sisters, le déroulé de la soirée peut se voir comme une suite de déclinaisons- déléguées à chacune des artistes et au gré des affinités- de la figure féminine en général et des choix artistiques de l'hôtesse en particulier... C'est varié et riches de respirations.

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    Ainsi avec Mystérious Skin, vigoureux solo de Julie Trouverie, qui trouve sa dynamique dans la dualité entre sauvagerie et sophistication, l'érotisme se trouvant au point de rencontre. C'est-à-dire que la créature se déchaîne en femme des cavernes vêtue d'un manteau de fourrure. Du titre le mystère est vite révélé, de même que la peau est mise à nue. Sur ses mouvements paniques les désirs ne peuvent qu'ouvertement converger.

     

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    La mise en situation de l'archétype social féminin est poussée ensuite bien plus loin avec un intelligent cynisme. La performance culinairequi vient est très particulière. Quatre belles femmes en robe de soirée, sexys et maquillées, s'offrent à déguster: sur dos et bras nus tranches de saumons et autres mets raffinés. C'est la réaction du public, confronté lors de cette performance à ces femmes objets, à ces biens de consommation haut de gamme, qui est intéressante.... Le regard masculin est pour le coup directement sollicité, mis au défi de prendre position. La main hésite à suivre les yeux, quant à la bouche...Est-ce que goûter, c'est tromper?

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    Plus- mais trop alors ?-de distance nous sépare de Krack, le duo de Viviana Moin et Jesus Sevari, l'une d'Argentine, l'autre du Chili, sur le mode des confidences dansées/parlées quant à la condition de l'artiste femme et étrangère. Hablas espanol? Si ce n'est pas le cas en l'état la rencontre reste frustrante, perdue sur la carte, mais c'est un travail encore en cours (à la prochaine occasion, se souvenir de demander à Mlle Patkaï, qui dirige ce duo d'«où » elle-même vient.).

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    Viviana Moin s'attaque elle aussi, avec Billy,au sujet de la sexualité. C'est à dire qu'elle l'aborde directement, sans prendre de gants. Brode à partir du récit d'une vision d'enfance possiblement tramautique, pour inventer des confidences drolatiques sur sa « vie de femme » (comme on dit dans les mauvais magazines) avec les hommes dotés d'un sexe-escargot. Scoop! Viviana nous réconcilie au son de Nina Simone autour d'une vision dédramatisée des relations entre les deux sexes. Nous sommes conviés par le rire.

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    Beatriz Setien Yeregui tente avec Beatriz chante l'expérience de l'exposé d'une femme démultipliée, en jouant simultanée des trois modes d'expression de la présence, de l'image, et du commentaire. Joue la candeur tranquille. S'agissant d'art conceptuel, c'est dans les premières minutes terriblement ennuyeux. Mais cela devient subitement terriblement drôle quand les niveaux de sens glissent ensemble, jusqu'à se télescoper en connivences, dans un grand écart entre Joseph Kosuth et chansons traditionnelles.

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    Les Vraoum's concluent en sourires la soirée avec leur girl's band au second degré, mais c'est Isabelle Esposito, qui aura proposé la figure féminine la plus audacieuse, et sans doute la plus prometteuse, quitte à dérouter une bonne partie du public, hommes et femmes confondus. En créant avec la Sombre Sautillante un personnage desexué d'un corps hasardeux, qui marmonne à tâtons, esquisse une progression incertaine de gestes ahuris et poussiéreux au milieu d'objets désenchantés. Dans la ligne désespérante, exaspérante et rigoureuse de Vieille Nuit, à l'autre extrémité de la gamme.

    C'était le Cabaret des Signes de Kataline Patkai: Sisters(extrait) de Kataline Patkaï, Reprise de la pièce créée en 2008 aux Rencontres Chorégraphiques de Saint-Denis, Avec Kataline Patkaï, Aude Lachaise, Jesus Sevari, Erika Zueneli, Julie Trouverie, Lisa Nogara, Krack (étape de travail) de Kataline Patkaï avec Viviana Moin, Jesus Sevari, Kataline Patkaï, Performance culinairede Kataline Patkaï avec Katia Petrowick, Paloma Moin, Camille Clerchon, Anna D'Annunzio, Lisa Nogara, Les Vraoums spectacle/concert de Maeva Cunci, Virginie Thomas, Pauline Curnier Jardin, Aude Lachaise, Forces-Leech de Ugo Dehaes - Avec Ugo Dehaes et Gemma Higgin Botham, La sombre sautillante(étape de travail) solo d'Isabelle Esposito, Beatriz chante solo de Beatriz Setien Yeregui, Billy , solo de Viviana Moin, Mysterious skin
    Solo de Julie Trouverie.

    Au Regard du Cygne.

    Guy

    Photos de Jérome Delatour- Images de Danse avec son aimable autorisation, sauf photo de la performance culinaire (DR) avec l'aimable autorisation de Kataline Patkaï

    Merci à Kataline Patkaï pour son accueil lors de nos premieres discussions.

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