La langue est très naïve- usant et abusant de coqs à l'âne, de néologismes, de répétitions et d'associations
spontanées, et si systématiquement que cela à la longue peut agacer. Mais, si l'on est mieux disposé, la naïveté peut passer pour de la poésie. Et c'est, tous comptes faits, un mode d'expression approprié pour ces personnages tous un peu désoeuvrés, en quête de rêves et d'ailleurs, qui ont perdus le sens. Déboussolés par les "trous dans le ciel", la chaleur des nuits de polars et l'effacement des saisons. Des "essayeurs de vie". Qui forment une drôle de famille: un père travesti et en crise de larmes permanente, des frères détrousseurs de cadavres (pour marquer la dramatisation, faut il ouvrir sur du sordide?), leurs improbables amoureuses, et un poète alsacien en route vers la Californie. Une famille dont les liens échouent à consoler le mal-être de chacun.
C'est- on l'a bien compris- un nouvel avatar de ce bon vieux théâtre de l'absurde. En une version assez sentimentale et dénudée, dont le texte sonne par moments comme du Dubillard vulgaire, la vulgarité etant sûrement un effet de mode. Heureusement tempérée par une mise en scène ouatée, drôle et douce-amère, qui insiste plus sur les langueurs de la tristesse et des regrets que sur la violence des désirs. Tout est habilement amené, en une progression non linéaire, l'espace se transformant de scènes en scènes par déroulés de rideaux. L'exercice ménage quelques effets de cabotinage digne d'un théâtre de boulevard, mais paradoxalement sans jamais menacer un rare équilibre de jeux. Tout ce qui peut être dur- deuil et abandon- est finalement tempéré d'ironie.
C'est toute l'habileté de l'entreprise et de ses audaces maîtrisées: le désespoir se fait doux et supportable, balancé par le chant d'un Elvis qui scande les didascalies.
C'était Autour de ma Pierre il ne fera pas nuit ♥♥♥♥ de Fabrice Melquiot, mis en scène par Franck Berthier, au vingtième théatre. Jusqu'à fin octobre.
Guy
chemin dans l'ombre de Tarquin vers son crime, déjà sur la couche de Lucrèce l'opposition violente du rouge et du bleu. Puis la brutalité précipitée des gestes. Après, de quelques mouvements, le dégoût muet et prévisible qui envahi Tarquin. Le désespoir, la mort de Lucrèce.
de Shakespeare est universelle. Si cette oeuvre est universelle, elle appartient donc à tout le monde. Si elle appartient à tout le monde, chacun peut bien en faire ce qu'il veut. Et détourner les flots du texte vers les préoccupations de l'époque. Chaque génération voit Willy à sa porte.
dégorgée de la pensée humaine, jusqu'au bout de l'idiotie, des mots-bulles tentent de se former avant d'éclater aux lèvres. Sur le corps humide et blanc et sur le mur du fond sont projetées des diapos éducatives d'histoires naturelles. Histoire de rassurer? L'innocence d'avant le langage semble presque à portée de langue, d'avant la sexualité même, un hermaphrodisme placide s'affiche sous la forme d'un postiche naïf fixé sur les reins nus. La régression s'offre trés généreuse, effrayante et délicieuse, vers une grâce pataude en une reptation de bruits mous, slurp. La jubilation de la salissure s'exprime sans retenue, enfantine, sous une cascade de sauce tomate, le corps s'abandonne sans réserves à l'immersion intégrale dans le sel alimentaire, nourri d'oubli. Cette poésie naturelle est gluante et basique, aussi belle que posée sur une feuille de laitue.
Belle troupe qui chante à l'unisson, dont trois rousses qu'un ado dévore des yeux. Belle invitation, évocation un peu canaille, mais assez sage à tout prendre, des bas-fonds de Vienne.
par la porte de la salle du haut surgissent des comédiens qu'on ne peut pas ne pas remarquer- des ours, un curé, un juge, des dames en robes d'époque, des jeunes premiers, un Falstaff qui se saisit de bois de cerfs...- ils tournent en rond seuls ou à plusieurs, mais toujours un peu absents, et bientôt repartent dedans à l'assaut. Et chaque fois que la porte de la salle du haut s'ouvre, on entend d'où l'on est quelques répliques et des éclats de voix, des applaudissements.
Rigoulot se découvrent l'un l'autre en un duo sensuel et amoureux, Malena Murua fait une avec un rideau de tente et on ne lasse pas de suivre la fébrile
programme. Pourtant ici pas de rocher à pousser, mais sur scène un tas de gravats. Perchée au dessus, la condition humaine, à l'épreuve de sa vérité. Un danseur en costume de ville- Haïm Adri- au corps et la mémoire habités par le foisonnement des danses populaires, le coeur assailli par la surabondance des musiques et des images sonores. Les mains dans la poussière, se saisissant de la matière, cailloux après cailloux, le regard perdu et un peu fou. Pour une heure de course offerte, c'est grave et émouvant.
pays de l'illusion, et de toutes les possibilités. On perd pied dans les sables mouvants de l'imaginaire amoureux, où chacun ose se rêver, sans interdit de rang ou de sexe, dans les bras de l'être aimé. Lui même reconstruit selon tous nos désirs.
flagrant, à l'inverse d'un certain Fabien aimant Sebastien-le frère jumeau- jusqu'à se faire battre pour le défendre.
Certaines se taisent, et ainsi existent d'autant plus, avec force. Avec une évidence subliminale. Telle Aurore Monicard, interprétant
histoire d'amour à gros budget sur fond de guerre de Troie. En pratiquant des coupes radicales, ce qui explique sans doute pourquoi la sage Cressida couche dés le premier soir. Son troyen de Troïlus préfère faire l'amour que la guerre, on le comprend. On a droit à de belles scènes à deux et de hardies répliques. Comme c'est une tragédie, ça se complique: dans le cadre d'un obscur échange d'otages les habitants d'Illium envoient la belle se faire voir chez les grecs. La faute à la raison d'état!